Établi dans une zone d'activité du "9-3", j'avais bien entendu la visite régulière des gens du
Pour ceux et celles qui l'ignoreraient, encaisser un règlement par carte bancaire n'est pas gratuit pour le commerçant. Une commission proportionnelle est prélevée par l'organisme bancaire sur chaque transaction. Dans mon cas, cette commission avait un plancher qui rendait les transactions inférieures à 28,50 €uros trop coûteuses à mon goût. J'avais donc décidé de ne pas accepter les règlements par carte bancaire en dessous de ce montant.
Pomme de discorde
La grande majorité de mes clients acceptait cette disposition que je prenais toujours soin d'argumenter et réglait en liquide ou s'arrangeait pour dépasser ce seuil. D'autres, heureusement minoritaires, ne l'acceptait pas et décidait de ne rien acheter chez moi, ce qui était certes regrettable pour mon chiffre d'affaire mais tout à fait légitime. Quant aux casse-pieds, malgré mes efforts pour tenter de leur faire comprendre ma position, ils réagissaient toujours de la même façon imbécile et trépignante: "Vous n'avez pas le droit!"
Il est ahurissant de constater qu'un grand nombre de gens, même s'ils sont sans doute minoritaires, sont persuadés que le commerçant DOIT accepter le paiement par carte bancaire "à partir de 15 €uros" (!?!) et qu'ils ont donc le DROIT d'exiger que l'infâme boutiquier qui les reçoit dans son magasin se plie à leur volonté et à "la loi"!?! A propos de cette fameuse loi, je me suis amusé à plusieurs reprise à offrir les marchandises à celui ou celle qui me la procurerait. Autant vous le dire tout de suite, cette proposition ne m'a jamais rien couté car personne n'a été en mesure de me rapporter un texte de loi qui n'existe pas.
Corpus delicti
Au-delà de toutes les menaces plus ou moins comiques et de tout les organismes vengeurs qui n'allait pas manquer de se pencher sur mes pratiques "illégales" (police, justice, DGCCRF, groupement des Cartes Bancaires, 60 millions de consommateurs, etc.) j'ai toujours regardé ces individus avec un certain effroi (juste avant de les foutre à la porte) car c'est, à mon avis, avec ce genre de personnages que l'on crée de parfaits petits nazis.
Vous et moi, en tant que consommateurs, avons un pouvoir absolu, celui d'acheter ou de ne pas acheter un produit, si tant est que la concurrence existe et ne soit pas faussée. A bien y réfléchir, ce pouvoir est énorme car aucune entreprise, aussi grosse soit elle, ne peut se permettre durablement de voir ses ventes diminuer et ses produits rester en magasin, surtout s'ils sont périssables!
Vous voyez sans doute où je veux en venir? Des produits alimentaires qui restent à pourrir sur les étalages sont une perte sèche pour toute la filière qui vous les vend, du producteur au distributeur. Si vous trouvez que les yaourts, les pâtes ou le jambon sont trop chers vous pouvez ne plus en acheter, rien ne vous y oblige et s'il vous faut absolument vous en procurer, vous pouvez sélectionner le produit le moins cher, ce qui produira le même effet sur le produit trop onéreux: il restera en rayon.
Ce mécanisme s'appelle la concurrence et je n'ai pas la prétention de vous le faire découvrir mais quand je lis que le gouvernement a "créé un observatoire des prix et des marges où les fournisseurs et les distributeurs expliqueront comment ils construisent leurs prix", je ressens comme un malaise. Quand je constate que la "cheftaine" de l'opposition préconise de "contrôler de toute urgence les marges des grandes surfaces", je me demande s'il faut rire ou pleurer.
Je suis persuadé que ces clients qui ont le DROIT de payer leurs achats avec la carte bancaire trouveront parfaitement légitime que le gouvernement vienne rétablir le juste prix des denrées alimentaires. Si ça ne suffit pas, ils approuveront sans doute la création de "magasins d'état" dans lesquels ils pourront acheter leurs pâtes et leur jambon à un prix fixé par le ministère de l'alimentation. Et puis tant qu'on y sera, le ministère de la santé pourra déterminer la ration alimentaire idéale (avec cinq fruits et légumes) et il n'y aura plus aucun problèmes de marges "abusives". D'ailleurs c'est bien connu, quand c'est l'état qui fixe le prix, le consommateur est sauvé, il suffit de fumer ou de faire le plein de carburants pour s'en rendre compte.
Dans le magasin d'état, le client est roi!
Le nazisme est souvent considéré, par erreur, comme une dictature davantage "capitaliste" que "socialiste", car la propriété privée des moyens de production ne fut pas abolie par les Nazis. En réalité, les conceptions nazies étaient, sur ce plan-là, proches de celles des bolcheviks : par exemple, dès le début du IIIe Reich, des commerçants furent déportés à Dachau parce qu'ils avaient augmenté leurs prix. Rien qu'à Munich, 200 personnes furent arrêtées en 1933, tandis que leurs commerces furent scellés et barrés d'un écriteau indiquant : "Magasin fermé sur ordre de la police pour cause d'augmentation des prix, propriétaire en détention provisoire à Dachau." (réf : Der Staat Hitlers, de Martin Broszat).