vendredi 27 juillet 2007

Devine qui vient dîner ce soir!

Nous sommes nés en 1959, mon copain d'enfance, moi-même et la Mobylette AV88 dite Mobylette Bleue. Gérard (appelons-le ainsi) et moi sommes amis depuis la rentrée de troisième, depuis que fièrement juchés sur nos rutilants engins, nous avons découvert en même temps cette incroyable liberté de mouvement qui nous permettait après les cours d'aller où bon nous semblait au gré de nos envies. Nous sommes nés à Suresnes (lui et moi, pas la mobylette…) et nous habitions à La Défense.

Bôôôôô....

Trente quatre ans plus tard, Gérard a possédé tout un tas de voitures sportives et créé sa propre entreprise mais contrairement à moi, il ne roule plus en deux-roues, il n'a même jamais passé son permis moto. Il y a belle lurette que nos parents on quitté La Défense et nous avec.
Gérard est fils unique. En décembre dernier, son père est décédé. Depuis lors, sa mère vit seule dans son appartement situé à… GRIGNY 2.

Grigny 2 , son lac, sa gare, sa résidence de prestige

Connaissez-vous GRIGNY?
Voilà ce qu'en dit WIKIPEDIA:

"D'un village de 2500 habitants, GRIGNY devient en moins de 10 ans une ville de plus de 25000 habitants. Vu l'énorme investissement nécessaire à la création de nouvelles infrastructures communales et sans aide significative de l'État, GRIGNY connaît depuis un déficit structurel de son budget, parvenant difficilement à répondre aux missions de service public. En effet, elle est la ville la plus jeune, mais aussi la plus pauvre de l'Essonne."

Je ne sais pas qui a rédigé l'article sur L'Encyclopédie Libre, mais c'est déjà clair: Grigny c'est pas top et c'est la faute de l'état.

Et voilà ce qu'en dit le site de la ville de GRIGNY

"La construction de Grigny 2 par arrêté ministériel
Le 10 décembre 1968 le Ministre de l’équipement, Albin Chalandon, a délivré un accord préalable aux promoteurs, de Balkany et la Banque de Suez, pour la réalisation d’un programme de 5835 logements à Grigny 2.
Six mois plus tard il a créé par arrêté la ZAC des Tuileries, la première de France.
La construction de la plus grande co-propriété de France a ainsi pu commencer sans tenir compte des objections de la municipalité.
Pour vendre l’opération, le promoteur a fait construire un hall de vente équipé d’une piscine, prônant ainsi un «nouvel art de vivre».
Une réalisation de standing
La conception était radicalement différente de celle de la Grande Borne. Il s’agissait de réaliser une opération de standing pour une population de cadres.
C’était «un nouvel art de vivre», «la ville à la campagne» qui était vendue sur plan. A 25 km de Paris, le projet avait de quoi séduire. Mais la réalité a été quelque peu différente.
La construction de la gare, financée par le promoteur, a été, en même temps qu’un atout pour le quartier, un excellent argument de vente.
De graves irrégularités
Mais la construction de Grigny/2 a été marquée par de graves irrégularités.
Les promoteurs n’ont jamais fourni :
• ni le plan d’aménagement de zone
• ni l’échéancier et les modalités de financement des équipements publics
• ni le bilan financier prévisionnel"


Alors là c'est plus clair, en plus de l'état (de droite) qui n'a pas tenu compte des objections de la commune (le maire est communiste), on retrouve des salauds de promoteurs (traduisez: des capitalistes) qui ont poussé la vilenie jusqu'à construire une gare (à leurs frais, ce qui prouve bien qu'ils sont trrrrèèèès riches) pour attirer une clientèle de cadres (c'est-à-dire de moins riches mais de riches quand même, selon les critères de François Hollande). Tout ça pour dire que GRIGNY est bien cette commune où vivent des "jeunes" qui "ne trouvent pas d'emplois" et où des "rivalités" avec ceux de La Grande Borne font des morts de temps à autre.

Les parents de Gérard ont acheté un appartement à GRIGNY 2 à la fin des années 70. J'étais à peine majeur à l'époque mais ça me paraissait déjà bizarre de quitter le béton de La Défense pour aller vivre dans le béton de GRIGNY 2, mais bon, c'était leur choix. J'allais fréquemment chez Gérard et GRIGNY 2 n'était pas pire que La Défense.

Il y a de ça un mois, Gérard m'appelle en catastrophe depuis une île paradisiaque où il était parti en amoureux avec sa compagne, histoire de déstresser en oubliant un peu leur entreprise dans laquelle il s'enrichissent sans rien foutre, comme tous les salauds de patrons. Motif de son appel: sa mère, dont les problèmes psychologiques ne se sont pas amélioré avec le deuil, vient de faire une nouvelle TS et elle est au service des urgences de l'hôpital du coin. Il faut que j'aille faire différentes choses parmi lesquelles, récupérer le chat resté seul dans l'appartement de Grigny 2.

Il faut dire que je n'était pas retourné à Grigny depuis 1981, année à partir de laquelle j'ai commencé à pas mal voyager à l'étranger. Quand je suis revenu en France, Gérard ne vivait plus chez ses parents et je n'avais plus de raison d'y retourner.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça a changé. La population de cadres visée par les méchants promoteurs capitalisto-batisseurs de gare s'est transformée en population africaine. (Pour être politiquement correct, je dois reconnaître que tous ces gens peuvent être des français d'origine africaine ayant un poste d'encadrement, après tout, je n'en sais rien). La cité est beaucoup plus sale et dégradée qu'il y à vingt-six ans, mais sans atteindre des sommets (ou plutôt des planchers) comme aux Bosquets de Montfermeil, par exemple.

Les Bosquets à Montfermeil: à visiter rapidement (c.a.d: sans s'arrêter!)

Bref, j'ai ramassé le chat et quelques affaires mais avant de repartir, j'ai renseigné un charmant voisin de la mère de Gérard venu s'enquérir de la santé de sa voisine. Et oui, quand on quitte son domicile dans l'ambulance des pompiers, ça se remarque.

Samedi dernier, Gérard est venu voir sa mère à l'hôpital psychiatrique accompagné de son fils aîné. Ils en ont profité pour aller vider la boite à lettre et passer à l'appartement où les attendait une grande surprise: L'appartement était occupé, squatté par des Maliens.

Ce n'était pas des cambrioleurs, même s'il sont rentré par effraction, la preuve: ils avaient ramené du mobilier au lieu de voler celui qui y était déjà. C'est ainsi que le nombre de lits dans l'appartement était passé de trois à dix-huit! Plus étonnant, le nombre de téléviseurs avait augmenté. La cuisine était même garnie de victuailles simples mais consistantes, il y avait notamment un sac d'une vingtaine de kilos de riz à peine entamé et moult poulets dans le réfrigérateur. La surprise de Gérard est allé crescendo lorsque ces gens lui ont expliqué qu'ils occupaient légalement l'appartement comme semblait en attester un vague papier tenant lieu de bail, signé d'un nom à consonance africaine et dont la famille de Gérard, pourtant propriétaire du bien, n'a jamais entendu parler.
Mon ami, soucieux du bien être de ses nouveaux hôtes, a jugé utile de faire venir la maréchaussée afin que ces gens peu habitués à l'immense rouerie des propriétaires immobilier d'Ile De France soient confortés dans leurs droits… au logement?
Sans doute impressionnée par l'arrivée des forces de l'ordre, une africaine a été prise de convulsions l'empêchant de se tenir debout. Puisqu'on en était à foutre l'argent public par les fenêtres, autant faire intervenir les pompiers en plus de la police. Je ne suis pas du tout en train de critiquer le service public en disant ça, d'ailleurs les pompiers ont été d'une efficacité bluffante: leur simple arrivée sur les lieux a suffit a guérir la malade qui s'est remise sur pieds instantanément.


Comme la journée était belle et l'ambiance conviviale, tout le monde a décidé de se rendre au commissariat (sauf les pompiers). Là, la mère de Gérard a porté plainte contre X pour cambriolage et pour ne pas rester sans rien faire, les Maliens ont porté plainte contre le méchant propriétaire de l'appartement qui selon eux, doit leurs rembourser des loyers qu'ils auraient payé.
Gérard est ensuite retourné à l'appartement, a payé 1200 €uros pour une réparation provisoire des dégâts occasionnés par l'effraction, et comme tout cela se passe entre gens civilisés et honnêtes, il a remis sur le palier tous les menus effets apportés dans l'appartement par ses ex-occupants. Seule petite fausse note dans ce tableau idyllique: le sac de riz dans lequel le fils de Gérard a trouvé comique d'uriner. Ce que les jeunes peuvent être taquins…

Finalement une bonne journée propice à la prise de conscience par un privilégié blanc des difficultés de logement de la minorité noire qui n'a pas eu d'autre choix que celui de fuir la misère au péril de sa vie et à laquelle la république n'est même pas capable d'offrir un toit.

Bien sûr, les quelques objets appartenant à la mère de Gérard et ayant un peu de valeur ont disparu, bien sûr le répertoire téléphonique rempli de numéros internationaux retrouvé près du téléphone laisse augurer d'une facture téléphonique particulièrement salée à venir mais finalement, Gérard peut s'estimer heureux. En effet, les intrus ont bien voulu déguerpir mais la police a bien prévenu mon ami, si les squatters reviennent (ce qui est très probable) et occupent l'appartement depuis plus de 48 heures, les forces de l'ordre ne peuvent plus les obliger à quitter les lieux!!!

Entre le droit au logement et le droit de la propriété, il va falloir choisir.

5 commentaires:

philippe psy a dit…

Très bel article ! Il te vaudra des liens sur pas mal de sites !

Et puis, comme j'ai appris que l'appartement de Maman Gérard était libre, je me suis permis d'y envoyer une dizaine de jeunes faouins (de Foug) qui y sont depuis trois jours ! Il parait qu'il y a des sacs entiers de lardons, des centaines d'oeufs et que les femmes ont commencé à faire des quiches lorraines !!

El Gringo a dit…

J'espère que tu n'as pas oublié de réclamer des loyers anticipés à tes faouins. Libre, ça ne veut pas dire gratuit!

Laurence a dit…

Philippe a en effet créé la SPF (Société Protectrice des Faouins) et je constate qu'il s'est d'ores et déjà mis en action ! ça fait chaud au coeur !

J'espère en tout cas que ces jeunes faouins ne dérangent pas trop les voisins quand ils font le tour de la table en sautant sur leurs chaises !

El Gringo a dit…

Je croyais qu'il s'agissait de la Société Pipière Française (si, si, ça existe, j'ai même été client!)

Et après avoir sauté sur sa chaise, l'officier faouin dit:
"Femme, jamais commander, mari porter culotte, même quand culotte trop large."

Alexis a dit…

Excellent article! Si les Faouins se bornent à la quiche sans verser dans la croutonnade (si j'ose dire) le pire est évité. Imagine un instant une croutonnade géante préparée dans l'évier de la cuisine...